Le bonheur envers et contre tout
Dans son livre Vivre, Mihaly Csikszentmihalyi s’attarde aux cas de ces gens qui ont trouvé le bonheur malgré les obstacles dans leur vie. Il y consacre le chapitre 10 intitulé La victoire sur le chaos. L’auteur sait bien que plusieurs objectent qu’il est bien plus facile de trouver le bonheur lorsqu’on vit confortablement, qu’on a une certaine aisance financière, la santé et des amis. Et qu’il faudrait des bases solides (conditions matérielles minimales, par exemple), pour permettre d’atteindre l’expérience optimale. En fait, l’auteur insiste en italique dans le texte: « Rien n’est plus opposé à la thèse défendue dans ce livre. » (p. 193) Ce qui ressort plutôt, c'est que « l’expérience subjective n’est pas une dimension de la vie, c’est la vie elle-même. Les conditions matérielles sont secondaires, elles affectent l’individu indirectement par l’intermédiaire de l’expérience vécue. » (p.193) Ainsi, des conditions externes favorables peuvent améliorer la qualité de vie, mais pas nécessairement tandis que des difficultés importantes peuvent ne pas être des obstacles à l’atteinte de l’expérience optimale. À ce sujet, Mihaly Csikszentmihalyi revient sur les études du Dr Siegel (dont j’ai déjà parlé) et qui ont montré que ceux qui ont appris à vivre l’expérience optimale sont capables de tirer profit de toutes les situations même celles qui semblent sans espoir. (p.194)
L’auteur essaie ici de répondre à la question : « Qu’est-ce qui fait qu’un même coup dur détruise une personne et en fasse progresser une autre? » Il semble en fait que ce soit notre capacité d’affronter le stress qui varie, et ce, en fonction de divers facteurs : 1) le soutien externe provenant du réseau social 2) les ressources psychiques de l’individu (intelligence, niveau de scolarité et traits de personnalité) 3) et les stratégies d’affrontement du stress sur lesquelles l’auteur s’attarde particulièrement.
Il semble qu’il existe deux grandes stratégies d’affrontement du stress : une positive dite « stratégie mature » et une négative dite « stratégie régressive ». (p. 201) Nous développons nos stratégies matures vers la fin de l’adolescence et cela nécessite un sens de soi solide qui n’est pas remis en question par les difficultés de la vie, les frustrations et les déceptions.
Toujours en vue d’expliquer pourquoi certaines personnes sont écrasées par les difficultés alors que d’autres deviennent plus fortes, il appert que « l’accroissement personnel et l’enchantement sont le fruit de la capacité de transformer une situation désespérée en défi, en expérience optimale. » (p. 205) Et cela se fait en trois étapes :
1) une assurance non centrée sur soi
2) une attention portée sur l’extérieur
3) la découverte de nouvelles solutions
Enfin, ces personnes qui réussissent à affronter le stress pour en faire une expérience optimale sont dites dotées de « résilience ».
Mais ce que j’en retire surtout, c’est de voir que notre psyché est faite de sorte à faire sortir l’ordre du chaos et que l’évolution elle-même demande de « recycler les déchets en une structure ordonnée. » Ainsi, l’utilisation de la lumière par les plantes recycle le sous-produit de la combustion du soleil. Bref, « sans cette transformation des forces du désordre en quelque chose d’utile, l’humanité n’aurait pas survécu. » Notre psyché fonctionne sur un même principe, « convertir des événements neutres ou destructeurs en éléments positifs. » (p. 203-204)
Maintenant, il importe à chacun de trouver la façon d’affronter le stress, selon ses capacités.
Mihaly Csikszentmihalyi. Vivre. La psychologie du bonheur. Paris, Robet Laffont. 1994. Coll. "Réponses". 264 p. (Traduit de l'américain. Titre original: Flow: the psychology of optimal experience, paru en 1990) Résumé des pages 193-215.