Courir ou marcher?
La chimiothérapie est terminée.
Je commence à ressentir les bienfaits de l'arrêt des médicaments. Même aujourd'hui, lors de mon deuxième cours en ligne (le mercredi, je donne deux cours de suite, de 14h à 18h), un de mes étudiants m'a demandé si j'avais arrêté la chimio. Il avait remarqué que j'étais plus en forme, que j'avais plus d'énergie. C'est tout dire...
Mais alors que je retrouve cette énergie qui me manquait tant, me voilà replongée dans le tourbillon de la vie "normale", avec les attentes, les objectifs à atteindre, les "dead line", le stress, la course folle pour tout faire... Et soudain, je me dis: "Je n'ai plus d'excuse." Plus l'excuse d'être fatiguée, de ne pas pouvoir tout faire. Plus d'excuse pour me reposer, arrêter et souffler. Je ne suis plus "malade".
Et ça me consterne de réaliser à quelle vitesse le changement se fait. Je le sens en moi-même. Je m'entends penser, "Tu n'as plus d'excuse"...
Et je me questionne: La maladie est-elle une excuse? L'ai-je utilisée? Ai-je fini par m'y faire, me donner un rythme de vie qui s'accommodait bien de la maladie?
Alors je repense aux lectures que j'avais faites, il y a déjà quelque temps, notamment le livre du dr Siegel que j'avais tant aimé et dont j'ai parlé en ces pages. On y abordait les questions à se poser concernant notre maladie, et l'une d'elle était: Pourquoi avez-vous besoin de cette maladie et quel bénéfice en retirez-vous?
Je pense que j'avais besoin de la maladie pour me donner du temps. Pour me permettre d'écrire, aussi. Pour me permettre la lenteur, peut-être, aussi. Oui. De la lenteur. De la douceur. Des pauses. Un peu de respect pour moi. Ne pas me laisser labourer par la vie, le train-train. J'ai pu dire "stop!" et, surtout, avoir le droit de le dire.
Maintenant, ai-je encore le droit de dire "stop"? Ça va trop vite, je n'y arrive pas? Je n'ai pas envie de courir, je suis fatiguée? Ai-je droit à la douceur?
Avons-nous droit à cette douceur? Nous l'accordons-nous, ou attendons-nous tous la maladie, le burn-out, la dépression pour dire: j'arrête, je souffle un peu, je me respecte?
Voilà donc l'état de mes réflexions ces jours-ci, alors que je réapprivoise la vie sans Temodal.
Je me rends compte que la maladie ne m'a pas seulement apporté du négatif, mais elle m'a aussi permis de vivre mieux. D'être plus à l'écoute de moi, de mes besoins.
Maintenant, il me faut trouver une façon de réintégrer la vie "normale" sans me détruire. Réapprendre à courir, tout en sachant aussi m'arrêter... de temps en temps.
Peut-être que, finalement, il ne me faut plus courir, mais seulement marcher.