Ambivalente rentrée
Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir été malade qui affecte ma capacité à endurer le stress, mais quelque chose a changé. Je le sens.
En fait, je suis encore "capable" d'endurer le stress, la différence, c'est que je m'impose une limite. Une limite que j'essaie, ensuite, de ne pas dépasser.
Cette semaine, c'était la rentrée des élèves. Les premiers cours. Le premier contact. J'ai vu quels étaient mes défis, notamment au niveau de l'adaptation à mon horaire. Par exemple, le mardi, je donne deux cours de deux heures et je termine à 18h. Le lendemain matin, mercredi, j'ai un cours à 8h. J'arrive donc tard à la maison le mardi, avec tout ce que j'ai à faire dans ma vie de mère (souper, devoirs, bain, alouette!), pour repartir aux premières lueurs de l'aube le mercredi matin. Mon plus jeune dormait encore. Bref, j'ai l'impression que la journée du mardi et celle du mercredi fusionnent dans mon horaire pour ne faire qu'une seule et même llllooonnnnngguuuee journée. Ça me donne donc le pouls pour la session. Le vendredi, j'ai aussi deux cours. Un de deux heures, l'autre de trois. Cinq heures, donc. Je termine à 17h. Évidemment, les cours de 14h à 17h le vendredi ne sont pas les préférés des étudiants. Moi, ça me va assez. Je ne me plains pas. Mais cinq heures, c'est difficile.
Je sais que de l'extérieur, les profs (surtout au cégep) donnent souvent l'impression de se plaindre pour rien. On se dit "quatre ou cinq heures, c'est pas si pire, dans une journée"! En réalité, c'est extrêmement exigeant. Debout devant la classe en donnant un "show", on dépense une énergie colossale. Comme si on était sur scène. Le parallèle est pertinent, sauf qu'en plus, le public interagit avec nous, ce qui complique la donne. Mais il faut également penser qu'enseigner, ce n'est pas seulement en classe que ça se passe. Il y a toute la préparation des cours, les réunions, les étudiants qui viennent au bureau ou qui nous écrivent par courriel et à qui on doit répondre. Sans compter les changements d'horaire des étudiants qui tentent de magasiner leurs cours aux heures qui font leur affaire, ce qui se traduit par des changements sur les listes des profs et des accommodements plus ou moins raisonnables (par exemple, accepter qu'un élève non inscrit sur notre liste suive notre cours et transférer les notes de l'élève à la fin de la session au prof sur la liste duquel l'élève est en fait inscrit... Vous voyez le portrait? Quand on sait que les précaires sont payés en fonction du nombre d'étudiants inscrits sur leurs listes, vous comprendrez que, dans mon cas, on parle de bénévolat...)
Donc voilà. La session est commencée. En plus, j'avais une réunion à Montréal toute la journée de samedi ce qui fait en sorte que mon weekend est amputé. Mais bon.
En gros, la semaine s'est bien passée. J'ai de "bonnes têtes" dans tous mes groupes. J'entrevois positivement les prochaines semaines. Cependant, je connais aussi les potentiels de stress et j'essaie de désamorcer tout risque de surchauffe. Je suis donc moins "élastique" avec mes étudiants, plus claire, peut-être. Certainement moins conciliante. Bref, je n'ouvre plus la porte à des situations qui, par la suite, pourraient me demander encore plus d'énergie. Cela signifie dire "non" un peu plus souvent que je n'en avais l'habitude.
Mais il n'y a pas de surprise: la session sera difficile. Ma tâche n'est pas enviable avec mes quatre groupes de méthodologie, mes collègues le disent en me plaignant un peu. Mais c'est la vie. C'est la réalité de beaucoup d'enseignants précaires. Une réalité ambigüe: le bonheur de travailler et de faire ce qu'on aime accolé à la lourdeur de la tâche et à l'incertitude.