"Qu’est-ce qu’un héritage ?", ai-je demandé aujourd’hui à mes étudiants de méthodologie en ce premier cours, alors que je leur présentais la thématique choisie pour les faire explorer ce domaine que j’aime tant, le monde gréco-romain.
- C’est quelque chose que l’on reçoit.
- Ok, mais à quelle occasion ?
- Euh. Quand quelqu’un meurt."
Oui, voilà. Un héritage, c’est ce qui reste après la disparition d'une personne.
Ça peut être de l’argent, bien entendu. Ou un bien, comme une maison, des meubles. Ça peut aussi être des traditions. La recette de tarte aux pommes de grand-maman, passée aux enfants, aux petits-enfants. Un héritage, c’est la trace d’un passage en ce monde.
Je ne sais pas trop ce qui m’a séduite au point de consacrer ma vie aux humanités gréco-romaines quand est venu pour moi le choix d’une discipline à l’université. Je souhaitais enseigner, mais plusieurs voies m’étaient ouvertes. Dans les années 90, déjà, le sujet n’avait plus la faveur du système d’éducation et les quelques dizaines d’étudiants en première année bac se sont, pour beaucoup, réorientés. Mais si parfois il m’arrive de douter de mon choix, je sais que ce domaine est riche et passionnant. Pourtant, il est moribond, exclus de presque tout le cursus scolaire des jeunes ou si édulcoré qu’on ne le reconnaît plus. Et, régulièrement, lors de refontes en éducation, ces reliquats sont remis en question.
À quoi servent en effet la philosophie, l’étude des langues mortes, l’histoire, la géographie, la littérature, la poésie, la rhétorique ? Toute la sagesse des anciens, leur enseignement qui nous aidait à appréhender notre propre univers, si semblable, après tout, au leur ?
Pourquoi, dans notre monde régi par l’entreprenariat, la performance et le profit se préoccuper d’un passé révolu ? Héritiers sans mémoire que nous sommes devenus.
Pourquoi ?
Eh bien, j’ai mis mes étudiants au travail pour le cours d’initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines. À eux de découvrir (ou redécouvrir) cet héritage. Et moi qui enseigne si peu les humanités dans le cadre de ma vie de prof, j’arriverai peut-être à leur transmettre un peu de cet héritage que je porte en moi, qui m’anime. Cette passion pour l’être humain, cet éternel émerveillement perpétué dans notre culture occidentale pendant des siècles et que je refuse de laisser mourir.
Je suis à un tournant où, après m’être beaucoup questionnée sur ce que j’avais fait ou voulais faire de ma vie, j’en arrive à me demander ce que je laisserai derrière moi. Modeste héritage, sans doute. Je n’ai pas d’illusion sur mon rayonnement. Mais j’aurai au moins fait en sorte de préserver le feu de la lampe, en espérant que d’autres sauront aussi le faire. Et que ce feu, allumé dans d’autres cœurs, d’autres esprits, survivra encore longtemps.
Allez. C’est la rentrée, c’est ce grand recommencement que j’aime tant. Et je vous invite à suivre cette session-ci mes aventures de prof de métho dans le défi que je me suis donné de revisiter l’héritage gréco-romain avec mes étudiants. J’en fais même une catégorie à part sur ce blogue : Héritage gréco-romain.