Faire et être
Aujourd'hui, c'est la dernière journée du mois de février (enfin!) et aussi la dernière journée de mon quatrième cycle de chimiothérapie. J'ai pris ma dernière dose de Temodal tout à l'heure.
Et je réfléchissais à cette journée qui commence, où j'envisage de faire plusieurs choses, de cocher chacune au fur et à mesure sur ma liste... Et je songeais à l'importance qu'on accorde à tout ce qu'on FAIT et qui nous donne, par là même, l'impression d'ÊTRE.
Descartes a énoncé: "Je pense, donc je suis." Pourtant, dans notre société, dans nos valeurs, on juge autrement les gens. Ils sont (quelqu'un) s'ils font (quelque chose). Mmmm. On peut voir les choses ainsi.
Par exemple, on juge les gens par leur métier. "Que faites-vous dans la vie?" est une question de base quand on rencontre un inconnu. Selon la réponse obtenue, on aura une idée plus ou moins définie de la personne qui se tient devant nous. Un portrait ébauché.
Oui. On peut voir les choses ainsi.
L'important, pourtant, c'est ce qu'on en pense soi-même. Moi, comment me vois-je? Suis-je quelqu'un à travers ce que je fais? À travers ce que je pense?
Je m'identifie bien entendu beaucoup à ce que je fais. À ce que je réussis à faire. Plus j'en fais, et plus je suis satisfaite de moi. "Comment s'est passée ta journée?" qu'on me demande, le soir. Et, si cette journée a été active, alors je me sens moins inutile, moins malade. Moins vide.
Personne ne penserait à me demander: "As-tu bien pensé, aujourd'hui?"
Pourtant, bien sûr que j'ai pensé. Toute la journée. Chaque minute, chaque seconde. Ma vie n'est que pensées, réflexions sur mon monde, la vie, les autres.
Alors pourquoi est-ce si important de comptabiliser chacune de nos réalisations journalières, ne serait-ce que d'avoir arrosé les plantes, retourné des courriels, fait la liste d'épicerie?
Je me le demande parfois.
Peut-être parce que j'ai justement l'impression d'ÊTRE moins quand je FAIS moins. Peut-être parce que je suis dans une situation où justement je suis obligée d'en faire moins?
Peut-être.
Néanmoins, je suis satisfaite de mes petites réalisations quotidiennes.
Comme si je continuais à être. Malgré tout.